S’opposer en proposant, sur toutes les grandes questions politiques

Agir dans et pour une économie plurielleUne démocratie pour vivre ensemble

Dans deux articles précédents de l’ECCAP (Non au défaitisme et Tisser des liens) Pierre-Alain Cardona a exposé les conditions à remplir pour aboutir à une démocratie continue et renouvelée : des liens au plan local entre les nombreuses initiatives actives et favorables à un changement de cap. Dans un autre article, Pierre-Alain Cardona nous tient au courant des avancées de cette mise en relation de réseaux, suite à la réunion du 27 janvier 2024 à Paris, pour poursuivre ce tissage de liens entre actions diverses qui contribuent à un changement de cap. Mais encore faut-il que les partis politiques prennent le relais pour contribuer à modifier les règlements, les lois et les institutions. Or aujourd’hui, comme l’écrit Agathe Cagé dans un article d’AOC :

« Les partis de gauche, quant à eux, paraissent avant tout focalisés… sur la promotion de leurs dissensions et de leurs désaccords. Ils font passer au deuxième plan l’opposition aux politiques portées par le gouvernement, et au troisième plan la mise en chantier de l’élaboration d’un projet solide et ambitieux à soumettre aux électrices et aux électeurs. »

Alors que François Dubet dans un autre article d’AOC souligne : « il est plus que temps pour la gauche, et sur toutes les grandes questions politiques, de s’opposer en proposant », car on a bien du mal à savoir ce qu’elle ferait si elle arrivait au pouvoir.

Auparavant cette gauche était portée par un courant de pensée favorable aux progrès social, scientifique et technique, mais François Dubet écrit : « Les dégâts du progrès paraissent l’avoir emporté sur ses bénéfices et les lendemains qui chantent se sont plus encore éloignés. La destruction de la planète et la mondialisation donnent le sentiment de vivre dans un monde dangereux ». 

Jusqu’à présent l’orientation de l’Europe a été favorable à la mondialisation ; son obsession en faveur de la concurrence, de l’ouverture des marchés, de la limitation des déficits publics a entraîné une « hécatombe » industrielle[1] et contribué, lors des élections, à une augmentation des abstentions et au vote en faveur de Marine Le Pen.

Remettre au cœur de la politique la question du travail

Parmi tous les sujets qu’il faudrait aborder pour un véritable changement de cap, la question du travail devrait avoir une place centrale. Concernant les accidents du travail en 2019, il y en a eu 783.600 dont 780 ont été mortels, ce qui donne un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100.000 salariés, soit le double de la moyenne européenne. En rapportant le nombre de décès au nombre de travailleurs, nous obtenons un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100 000 salariés. En comparant aux résultats des autres pays européens, nous dépassons le double de la moyenne européenne (1,7). Cela fait de la France, le pays européen ayant le plus fort ratio de décès du travail d’Europe. La suppression du CHSCT (Comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail) en 2020 sous prétexte de simplification[2]a été une catastrophe.

Laurent Berger, qui a été secrétaire général de la CFDT depuis 2012 et qui a quitté ses fonctions à la fin du mois de juin 2023, a écrit un livre intitulé Du mépris à la colère. Essai sur la France au travail en mai 2023. Il écrit :

« nous devons imposer un cadre politique qui mette ce sujet capital à sa juste place… Il faut redonner de la place au travail dans l’espace démocratique » (p.113).

Il déplore que les politiques soient passés à côté (p.73). Paul Magnette, président du Parti socialiste belge fait exception. Il a écrit en janvier 2024 : L’autre moitié du monde. Essai sur le sens et la valeur du travail[3].

Nos politiques feraient bien de s’inspirer de ces deux livres.


[1] Voir F.Ruffin « Je vous écris du front de la Somme », Ed. Les liens qui libèrent, sept. 2022,  p.35. ; voir aussi l’interview de Paul Magnette à France-Inter le 9 janvier 2024.

[2] Voir l’interview de Sophie Binet Secrétaire générale de la CGT et du Président de la FE/CGC à Mediapart.

[3] Voir son interview à France Inter le 9 janvier 2024.