Pourquoi repenser l’héritage aujourd’hui.
Une note passionnante du Conseil d’analyse économique[2] intitulée « Repenser l’héritage » vient conforter les nombreux plaidoyers pour une réforme fiscale d’importance. Cette note fait la synthèse des travaux réalisés par une grande diversité d’économistes. Elle montre comment la situation actuelle entraîne un « dérèglement profond de l’égalité des chances, valeur cardinale des sociétés démocratiques et condition de leur possibilité d’existence à long terme ». Voici comment cette note présente ses principaux objectifs :
« Cette Note propose une réforme en profondeur de la taxation de l’héritage s’appuyant sur quatre piliers. Le premier pilier est l’amélioration du système d’information actuel, sans lequel aucune réforme et aucun pilotage ne sont envisageables. Le deuxième est la mise en place d’une politique de taxation sur le flux successoral total perçu par l’individu tout au long de sa vie afin de réduire les inégalités de patrimoine issues de l’héritage. Un tel système permettrait d’éliminer les distorsions quant au séquencement des transmissions et de traiter de manière identique les héritages en lignes directes et indirectes. Le troisième pilier consiste en une refonte de l’assiette des droits de succession : réduire voire éliminer les principales exemptions ou exonérations dont la justification économique est limitée. Ceci permettrait d’instaurer des taux nominaux plus bas mais réellement progressifs, en particulier en haut de la distribution des patrimoines, tout en réduisant la taxation sur les classes moyennes. Enfin, pour réduire les inégalités les plus extrêmes dans le bas de la distribution, la création d’une garantie de capital pour tous constitue le quatrième pilier ». La recommandation n°4 amènerait à verser à chaque personne à sa majorité de 10.000 à 40.000 euros selon les scénarios.
Pour un renouveau de l’Etat social, grâce à une fiscalité plus juste.
Nous assistons, depuis l’arrivée d’E.Macron qui dirige l’Etat comme une start-up, à l’Etat contre l’Etat, c’est-à-dire à la destruction de l’Etat par lui-même[3]. Alain Supiot parle à ce propos du démantèlement prévu d’EDF, comme de tous les statuts professionnels (statut salarial, fonction publique, cheminots, préfets, diplomates, universitaires…) et de la paupérisation de tous les services publics (police, tribunaux, hôpitaux, tribunaux, écoles ou université). Et il conclut sa tribune ainsi : « Alors que depuis 1946, c’est l’invention de l’Etat social qui avait instauré la légitimité de l’Etat et la victoire des démocraties. S’employer à le défaire méthodiquement au lieu de le réformer démocratiquement ne peut conduire qu’à la violence ».
Guy Roustang
[1] Oxfam France. Manifeste fiscal, juste, vert et féministe : quelle réforme pour un modèle fiscal moins inégalitaire ?
[2] Le Conseil d’analyse économique est un lieu de réflexion pluraliste qui conseille le premier ministre.
[3] Alain Supiot, juriste, professeur émérite au Collège de France, dans Le Monde du 31 janvier 2022